20 septembre 2022 : Le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé

Le Conseil d’État a jugé que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article 1er de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative et précise les conditions dans lesquelles un requérant peut l’invoquer.

Par une décision n° 451129 du 20 septembre 2022 fichée en A au Recueil Lebon, M. et Mme P., le Conseil d’État a jugé, en chambres réunies, que pour prévenir ou faire cesser une atteinte à l’environnement dont il n’est pas sérieusement contestable qu’elle trouve sa cause dans l’action ou la carence de l’autorité publique, le juge des référés peut, en cas d’urgence, être saisi soit sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative (CJA) ou, le cas échéant, sans qu’aucune condition d’urgence ne soit requise, sur le fondement des articles L. 122-2 et L. 123-16 du Code de l’environnement, afin qu’il ordonne la suspension de la décision administrative, positive ou négative, à l’origine de cette atteinte, soit sur le fondement de l’article L. 521-3 du CJA, afin qu’il enjoigne à l’autorité publique, sans faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative, de prendre des mesures conservatoires destinées à faire échec ou à mettre un terme à cette atteinte.

En outre, le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article 1er de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du CJA. Toute personne justifiant, au regard de sa situation personnelle, notamment si ses conditions ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, ou des intérêts qu’elle entend défendre, qu’il y est porté une atteinte grave et manifestement illégale du fait de l’action ou de la carence de l’autorité publique peut saisir le juge des référés sur le fondement de cet article. Il lui appartient alors de faire état de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier, dans le très bref délai prévu par ces dispositions, d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Dans tous les cas, l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2, les mesures qu’il peut ordonner doivent s’apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises.

I. Fondamentaux à connaître sur la protection de l’environnement

A. La Charte de l’environnement de 2004

Composée de dix articles, la Charte de l’environnement de 2004 est à l’origine une proposition du président de la République Jacques Chirac émise lors de la campagne présidentielle de 2002. Une proposition de texte a ensuite été élaborée par une commission spéciale, présidée par le paléontologue Yves Coppens, sur la période de juin 2002 à avril 2003. Le projet de loi constitutionnelle a été adopté en Conseil des ministres, le 25 juin 2003, puis voté par le Parlement réuni en Congrès le 28 février 2005, et enfin promulgué le 1er mars 2005.

La Charte de l’environnement de 2004, qui a valeur constitutionnelle, a introduit de nouveaux principes, droits et devoirs en lien avec le respect de l’environnement dans le droit français. Elle consacre, en particulier, le principe de précaution, à son article 5, et une nouvelle catégorie de droits constitutionnels, concernant le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, à son article 1er. La Charte consacre également le développement durable comme objectif des politiques publiques, à son article 6, l’environnement étant désormais reconnu comme le patrimoine commun de tous les êtres humains.

Charte de l’environnement de 2004

Le peuple français,
Considérant :
Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité ;
Que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ;
Que l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;
Que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;
Que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ;
Que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ;
Qu’afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins,
Proclame :
Article 1er
Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.
Article 2
Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement.
Article 3
Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.
Article 4
Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi.
Article 5
Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.
Article 6
Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social.
Article 7
Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.
Article 8
L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte.
Article 9
La recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l’environnement.
Article 10
La présente Charte inspire l’action européenne et internationale de la France.

B. L’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la protection de l’environnement

Dans sa décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes [Interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques], le Conseil constitutionnel a jugé que la protection de l’environnement, patrimoine commun des humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle en vertu du préambule de la Charte de l’environnement.

À l’origine de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), pour l’application du paragraphe IV de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime, dans sa version résultant de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, le ministre de la Transition écologique et solidaire, le ministre de l’Économie et des Finances ainsi que le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation avaient adopté la circulaire du 23 juillet 2019 relative à l’entrée en vigueur de l’interdiction portant sur certains produits phytopharmaceutiques pour des raisons de protection de la santé et de l’environnement, en application de la modification de cet article.

L’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) a introduit un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de cette circulaire et, à cette occasion, le 9 août 2019, a posé une QPC relative aux dispositions du paragraphe IV de l’article L. 253-8 du Code rural et de la pêche maritime. Par une décision du 7 novembre 2019, le Conseil d’État a décidé de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel, au motif que « le moyen tiré par l’Union des industries de la protection des plantes de ce que l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement prévue par ces dispositions est susceptible de porter atteinte à la liberté d’entreprendre, garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux ».

II. Référé-liberté et libertés fondamentales

A. Le référé-liberté

La loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives a permis un élargissement significatif du champ d’action du juge des référés avec l’introduction du référé-liberté et du référé-suspension, qui constituent aujourd’hui les principaux cas de saisine du juge des référés.

Les référés d’urgence sont prévus par les dispositions du titre II du livre V du CJA et notamment aux articles L. 521-1 à L. 523-1 et R. 522-1 à R. 523-3. Le juge des référés statue en urgence lorsqu’il est saisi d’un référé-suspension, d’un référé-liberté ou d’un référé conservatoire (mesures utiles). Il statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du CJA, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique. Sauf renvoi à une formation collégiale, l’audience se déroule sans conclusions du rapporteur public.

Saisi d’une demande justifiée par l’urgence, le juge des référés, qui se prononce dans un délai de quarante-huit heures, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale, en application de l’article L. 521-2 du CJA. Le référé-liberté n’est pas obligatoirement associé à une requête au fond et notamment à une demande d’annulation, l’atteinte portée à une liberté fondamentale pouvant résulter tout aussi bien d’un agissement ou d’une carence que d’une décision de l’administration.

Le référé-liberté permet la suspension d’une décision portant gravement atteinte à une liberté fondamentale si deux conditions cumulatives sont remplies, à savoir une situation d’urgence et une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. La condition d’urgence exigée par le référé-liberté est appréciée de manière plus restrictive que celle requise par le référé-suspension. Elle implique « qu’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures », c’est-à-dire dans une condition d’extrême urgence.

B. Les libertés fondamentales au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du CJA

Constituent des libertés fondamentales, au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du CJA, la liberté individuelle, le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit de mener une vie familiale normale, le droit d’asile et son corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, la liberté d’aller et venir, le droit de propriété, la liberté de culte, la liberté d’entreprendre et la liberté du commerce et de l’industrie, la liberté d’opinion, le droit de grève, le droit à un recours effectif et le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants, la liberté d’aider autrui dans un but humanitaire et le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article 1er de la Charte de l’environnement de 2004.

Par ailleurs, une personne, qui fait l’objet de mesures restrictives de liberté, dans le cadre de la mise en œuvre de l’article L. 228-1 du Code de la sécurité intérieure issu de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, peut introduire un référé-liberté.

En revanche, n’ont pas été regardées comme des libertés fondamentales, au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du CJA, l’accès à une formation de 3e cycle de l’enseignement supérieur, le droit au bon fonctionnement du service public de l’enseignement, le droit au congé formation mobilité, le droit de pratiquer un sport et de participer à des compétitions sportives, le droit au logement voire le droit à la santé, formulé en termes généraux.

III. Corpus juridique de référence

– Constitution française, Charte de l’environnement de 2004

– Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, 1992

– Protocole de Kyoto, 1997

– Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, adoptée le 25 juin 1998 et ratifiée par la France, le 28 février 2002

– Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment art. 2, 3 et 8

– Charte des droits fondamentaux de l’UE du 7 décembre 2000, notamment art. 37 (elle est devenue contraignante juridiquement avec la ratification du traité de Lisbonne)

– Règlement n° 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 (rend applicable la Convention d’Aarhus aux institutions et organes de l’UE)

– Accord de Paris sur le réchauffement climatique, 2015

– Directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement

– CJUE, 24 oct. 2019, aff. C-636/18, Commission c. France

– CEDH, GC, 8 juill. 2003, n° 36022/97, H. c. Royaume-Uni

– CEDH, GC, 30 nov. 2004, n° 48939/99, Ö. c. Turquie ; 20 mars 2008, n° 15339/02, B. et a. c. Russie (Le droit à la vie garanti par l’art. 2 de la Conv. EDH, implique le droit à un environnement sain)

– Cons. const., 19 juin 2008, n° 2008-564 DC, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés

– Cons. const., 8 avr. 2011, n° 2011-116 QPC, M. Z.

– Cons. const., 11 oct. 2013, n° 2013-346 QPC, Société Schuepbach Energy LLC (Principe de précaution)

– Cons. const., 20 déc. 2019, n° 2019-794 DC, Loi d’orientation des mobilités

– Cons. const., 31 janv. 2020, n° 2019-823 QPC, Union des industries de la protection des plantes [Interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques]

– Cons. const., 17 mars 2022, n° 2021-981 QPC, M. Jean-Mathieu F. [Destruction des végétaux et des animaux morts ou non viables saisis dans le cadre d’infractions au Code de l’environnement]

– Code de l’environnement

– Loi n° 95-101 du 2 févr. 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite Barnier

– Loi n° 2010-788 du 12 juill. 2010 portant engagement national pour l’environnement, appelée loi « Grenelle II »

– Loi n° 2018-148 du 2 mars 2018 ratifiant les ordonnances n° 2016-1058 du 3 août 2016 et n° 2016-1060 du 3 août 2016

– Loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement

– Loi n° 2019-1147 du 8 nov. 2019 relative à l’énergie et au climat qui fixe l’objectif de la neutralité carbone à l’horizon 2050

– Loi n° 2020-1672 du 24 déc. 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée

– Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets

– Loi n° 2021-1485 du 15 nov. 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France

– Ordonnance n° 2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement

– Ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement

– Décret n° 2004-612 du 24 juin 2004 portant création d’un Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique

– Décret n° 2016-491 du 21 avr. 2016 relatif à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement

– Décret n° 2017-626 du 25 avr. 2017 relatif aux procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement et modifiant diverses dispositions relatives à l’évaluation environnementale de certains projets, plans et programmes

– Décret n° 2021-837 du 29 juin 2021 portant diverses réformes en matière d’évaluation environnementale et de participation du public dans le domaine de l’environnement

– CE, ass., 3 oct. 2008, n° 297931, Commune d’Annecy

– CE, ass., 12 juill. 2013, n° 344522, Fédération nationale de la pêche en France

– CE, 19 juin 2015, n° 386291, Commune de SaintLeu et autre

– CE, avis, 22 mars 2018, n° 415852, Association Novissen

– CE, ass., 10 juill. 2020, n° 428409, Association Les Amis de la Terre

– CE, juge des référés, 20 avr. 2020, n° 440005, Association Respire

– CE, 19 nov. 2020, n° 427301, Commune de Grande-Synthe

– CE, 1er juill. 2021, n° 427301, Commune de Grande-Synthe et autre (injonction au Premier ministre de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national)

– CE, CHR, 26 juill. 2021, n° 437815, Collectif des maires anti-pesticides (injonction au Premier ministre et à des ministres du gouvernement de renforcer la réglementation en matière d’épandage des pesticides pour mieux protéger la population, dans un délai de six mois)

– CE, CHR, 10 févr. 2022, n° 455465, Société EDF Production Électrique Insulaire et ministre de la transition écologique (une autorisation environnementale qui ne vaut pas autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité au titre du Code de l’énergie ne saurait méconnaître l’obligation de prise en compte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre résultant de l’article L. 100-4 du Code de l’énergie)

– CE, sect., 9 juin 2022, n° 460644, Commune de Courcival et autres (le Conseil d’État ne renvoie pas au Conseil constitutionnel une QPC portant sur la règle de distance d’éloignement des éoliennes par rapport aux habitations qui avait déjà été jugée conforme à la Constitution [Cons. const., 13 août 2015, n° 2015-718 DC, Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte])

– CE, CHR, 20 septembre 2022, n° 451129, M. et Mme P. (le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article 1er de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du CJA et précise les conditions dans lesquelles un requérant peut l’invoquer)

– CE, CHR, 17 oct. 2022, n° 428409, Association Les amis de la Terre France et autres (Pollution de l’air : le Conseil d’État condamne l’État à payer deux astreintes de 10 millions d’euros)

IV. Exemple de sujet avec son corrigé portant sur la protection de l’environnement

Sujet : Comment contester une décision prise par une autorité administrative qui porte une atteinte à l’environnement ?

Introduction

Accroche : Par une décision n° 451129 du 20 septembre 2022, le Conseil d’État a jugé que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article 1erde la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du CJA – référé-liberté – et précise les conditions dans lesquelles un requérant peut l’invoquer.

Définition : La contestation consiste à demander la suspension ou l’annulation de la décision prise par une autorité administrative qui porte une atteinte à l’environnement de façon précontentieuse ou contentieuse.

Intérêt du sujet : La reconnaissance comme une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du CJA, de la protection de l’environnement.

Annonce du plan

I. Les recours précontentieux

Annonce des deux sous-parties :

1.1. Les recours administratifs

– Le recours gracieux consiste pour une personne à demander à l’auteur d’une décision administrative de retirer ou de réformer sa décision. Le CRPA définit les recours administratifs à son article L. 410-1, et notamment le recours administratif comme étant la réclamation adressée à l’administration en vue de régler un différend né d’une décision administrative et le recours gracieux comme le recours administratif adressé à l’administration qui a pris la décision contestée.

– Le recours hiérarchique consiste pour une personne à demander au supérieur hiérarchique de l’auteur d’une décision administrative ou à son autorité de tutelle, le ministre par exemple, de retirer ou de réformer sa décision.

1.2. La médiation

– La médiation à l’initiative des parties

Transition : La médiation à l’initiative du juge

II. Les recours contentieux

Annonce des deux sous-parties :

2.1. La suspension avec les référés

– Le référé-suspension permet d’ordonner la suspension d’une décision administrative, même de rejet, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, en application de l’article L. 521-1 du CJA.

– Le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale, en application de l’article L. 521-2 du CJA. En matière de référé-liberté, le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures.

– Le référé mesures utiles permet au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-3 du CJA, d’enjoindre à l’autorité publique, sans faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative, de prendre des mesures conservatoires destinées à faire échec ou à mettre un terme à cette atteinte.

– Sans qu’aucune condition d’urgence ne soit requise, le juge des référés peut ordonner la suspension de la décision administrative, positive ou négative, à l’origine de cette atteinte sur le fondement des articles L. 122-2 et L. 123-16 du Code de l’environnement.

2.2. L’annulation au fond

– Le recours pour excès de pouvoir (REP), en tant que procès fait à un acte, débouche sur la disparition rétroactive de l’acte attaqué en cas d’illégalité de ce dernier.

– Le juge administratif peut moduler dans le temps les effets de sa décision juridictionnelle (CE, ass., 11 mai 2004, n° 255886, 255892, Association AC ! et autres, Rec. Lebon, p. 197) voire prononcer des injonctions d’office (CJA, art. R. 611-7-3).

Conclusion

Synthèse : Une décision portant atteinte à l’environnement, prise par une autorité administrative, peut être contestée de façon précontentieuse voire contentieuse et, dans ce dernier cas, avec des procédures urgentes.

Ouverture possible :

– Le droit au logement n’est pas une liberté fondamentale (CE, juge des référés, 3 mai 2002, Association de réinsertion sociale du Limousin et autres, n° 245697) ni le droit « à la santé », formulé ainsi en termes généraux, mais des droits précis en matière de santé le sont comme celui du libre consentement au traitement (CE, juge des référés, 8 sept. 2005, Garde des Sceaux c/ M. B., n° 284803) ou encore celui de recevoir les traitements et soins adaptés à son état de santé (CE, CHR, 13 déc. 2017, M. P., n° 415207).

– CE, CHR, 17 oct. 2022, n° 428409, Association Les amis de la Terre France et autres : Après avoir ordonné à l’État, depuis 2017, de faire respecter les normes européennes, reprises en droit français, de qualité de l’air, le Conseil d’État le condamne à payer deux nouvelles astreintes de 10 millions d’euros pour les deux périodes allant de juillet 2021 à janvier 2022 et de janvier à juillet 2022. Si des améliorations dans la durée ont été constatées, les seuils limites de pollution au dioxyde d’azote – qui doivent être respectés depuis 2010 – restent dépassés dans plusieurs zones en France, notamment dans les agglomérations de Paris, Lyon et Marseille.

V. Exemples de questions sur le thème de la protection de l’environnement

– Quel est le premier texte européen qui reconnaît expressément le droit à l’environnement ?

– La France a-t-elle déjà été condamnée par la CJUE en matière environnementale ?

– Le droit à la vie, garanti par l’article 2 de la Convention EDH, implique-t-il le droit à un environnement sain ?

– Quelle est la valeur juridique de la Charte de l’environnement de 2004 ?

– Quelle est la portée de la Charte de l’environnement de 2004 ?

– Citez des nouveaux principes, droits et devoirs en lien avec le respect de l’environnement introduits dans le droit français par la Charte de l’environnement de 2004 ?

– Quels sont les principaux enseignements à retenir de la loi dite « Barnier » de 1995 ?

– Le public peut-il exiger accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques ? Si, oui, de quelle façon ?

– Le public a-t-il le droit de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ? Si, oui, de quelle façon ?

– Qu’est-ce que le principe de précaution pour vous et comment s’applique-t-il ?

– Comment l’homme doit-il « contribuer à la réparation des dommages » qu’il cause à l’environnement ?

– Le préfet exerce-t-il des prérogatives de police administrative en matière environnementale ?

– La protection de l’environnement est-elle consacrée comme patrimoine commun des êtres humains, en tant qu’objectif à valeur constitutionnelle ?

– Le droit à l’environnement est-il une « liberté fondamentale » de valeur constitutionnelle ?

– Y a-t-il un droit à un environnement sain ?

– Êtes-vous pour ou contre la création d’un Défenseur de l’environnement et pourquoi ?

– Que préconisent les directives Seveso ?

– Pensez-vous que les risques technologiques sont suffisamment pris en compte en France ?

– Qu’évoque pour vous le Grenelle de l’environnement ?

– Pensez-vous comme l’ancien vice-président du Conseil d’État, en 2005, que « L’État ne peut non plus être l’assureur multirisque de toute la population » ?

– Le principe d’indépendance des législations s’applique-t-il au droit de l’environnement ?

– Quel est le rôle du droit dans la protection de l’environnement ?

– Quel intérêt présente la reconnaissance par le Conseil d’État du caractère de liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du CJA, du droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article 1er de la Charte de l’environnement ?

– Donnez des exemples de libertés fondamentales, au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du CJA ou référé-liberté ?

– Comment sont sanctionnées les atteintes à l’environnement ?

– Quels sont les instruments de protection de la faune et de la flore ?

– Le dommage écologique est-il correctement indemnisé ?

– Que pensez-vous du rôle des associations de protection de l’environnement ?

– Quel est l’intérêt pour une association de protection de l’environnement d’être agréée ?

– Quel est le rôle de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), créé en 2004 ?

– Quel est le rôle de l’Office français de la biodiversité (OFB), créé en 2019 ?

– De quels pouvoirs de polices administrative et judiciaire disposent les agents de l’Office français de la biodiversité en matière de police de l’environnement ?