19 octobre 2022 : Ordonnance relative aux droits sociaux des personnes détenues

L’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 a été prise en application de l’article 22 de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire et vise à lutter contre la récidive par une meilleure préparation à l’insertion des personnes détenues.

Cette ordonnance complète les dispositions des articles 19 à 21 de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et le décret n° 2022-655 du 25 avril 2022 relatif au travail des personnes détenues et modifiant le Code pénitentiaire.

Le premier volet, entré en vigueur le 1er mai 2022, a concerné la création d’une relation contractuelle entre les personnes détenues et les entreprises, les structures d’insertion et l’administration. Cette ordonnance constitue le second volet de la réforme du travail pénitentiaire en prévoyant notamment de nouveaux droits sociaux et à la formation pour les personnes détenues afin de renforcer le cadre légal du travail en prison et de permettre une meilleure réinsertion.

L’article L. 412-36 du Code pénitentiaire prévoit, depuis le 21 octobre 2022, qu’aucune personne détenue exerçant une activité de travail ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale.

L’un des objectifs de ces dispositions est donc d’améliorer la dignité des personnes détenues.

I. Fondamentaux à connaître sur la protection de la dignité humaine

A. La protection de l’article 3 de la Convention EDH

La dignité humaine est protégée par l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « Convention EDH ») qui prévoit que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Par voie de conséquence, cet article 3 de la Convention EDH interdit aux États de pratiquer la torture, ou de soumettre une personne relevant de leur juridiction à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. Ces dispositions de la Convention EDH ne sont pas assorties d’exceptions, ce qui est suffisamment rare pour être noté.

Il y a lieu de rappeler que la Convention EDH est entrée en vigueur le 3 mai 1953 et qu’elle a été ratifiée par 46 États, dont la France, le 3 mai 1974, qui a par ailleurs adhéré au droit de recours individuel des citoyens, le 2 octobre 1981. La Russie a été exclue du Conseil de l’Europe, le 16 mars 2022, étant précisé qu’il s’agit d’une organisation, créée le 5 mai 1949, comprenant des États membres et observateurs, qui agit en faveur du respect de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit. La Convention EDH entraîne des obligations légales pour ces États au regard du droit international et fait partie de leur droit interne. De ce fait, la Convention EDH s’impose aux juridictions nationales et à tous les représentants des pouvoirs publics. Dans des procédures internes, les individus peuvent directement invoquer ce texte et sa jurisprudence, qui doivent être appliqués par les juridictions nationales dont les juridictions françaises.

Dès l’année 2000, la CEDH a consacré le droit de toute personne incarcérée à être détenue dans des conditions assurant le respect de la dignité humaine en jugeant qu’il revient à l’État de s’assurer que les conditions de détention ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention (CEDH, 26 oct. 2000, n° 30210/96, K. c. Pologne).

L’État français a déjà été condamné pour non-respect du principe de la dignité humaine protégé par l’article 3 de la Convention EDH, et notamment en 2013 pour les conditions de détention d’un détenu dans la maison d’arrêt Charles III de Nancy (CEDH, 25 avr. 2013, n° 40119/09, C. c. France). En 2015, la CEDH a jugé qu’il n’existait pas en 2012, en France, de recours effectif pour les détenus provisoires, incarcérés dans des conditions contraires à l’article 3 de la Convention EDH (CEDH, 21 mai 2015, n° 50494/12, Y. c. France). À retenir que la Cour a jugé, le 29 avril 2019, que le renvoi vers l’Algérie d’un étranger condamné en France pour des faits liés au terrorisme et interdit définitivement du territoire français n’emporterait pas violation de l’article 3 de la Convention EDH (CEDH, 29 avr. 2019, n° 12148/18, A. M c. France).

Dans sa décision n° 9671/15 et 31 autres, J.M.B. et autres c. France du 30 janvier 2020, la CEDH a alloué des indemnisations aux requérants et a recommandé à la France d’adopter des mesures générales afin notamment de supprimer le surpeuplement dans les établissements pénitentiaires et d’améliorer les conditions de détention. À l’origine de l’affaire se trouvent 32 requêtes dirigées contre la République française dont 29 ressortissants de cet État, un ressortissant cap verdien, un ressortissant polonais et un ressortissant marocain, qui ont saisi la CEDH entre le 20 février 2015 et le 20 novembre 2017 en vertu de l’article 34 de la Convention EDH. Les requérants détenus dans des établissements pénitentiaires situés dans les territoires d’outre-mer (Martinique, Polynésie française, Guadeloupe) ainsi que dans les maisons d’arrêt de Nîmes, Nice et Fresnes ont allégué en particulier, en se fondant sur les articles 3, 8 et 13 de la Convention EDH, que leurs conditions de détention sont ou étaient inhumaines et dégradantes et qu’ils ne disposaient pas de recours effectif à cet égard. Dans cette affaire, la CEDH a invité la France à prendre des mesures générales pour mettre fin à la surpopulation qui gangrène les prisons françaises. En outre, constatant l’ineffectivité des voies de recours offertes aux personnes détenues, elle a recommandé à la France de mettre en place au profit des détenus un mécanisme permettant de redresser la situation dont ils sont victimes.

B. La loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention

Après la décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020, dans laquelle le Conseil constitutionnel a censuré l’alinéa 2 de l’article 144-1 du Code de procédure pénale faute d’ouvrir une possibilité de recours permettant qu’il soit mis fin à la détention provisoire au seul motif de ses conditions d’exécution contraires à la dignité humaine, dont l’abrogation était fixée au 1er mars 2021, le sénateur Jean-Noël Buffet a déposé, le 11 février 2021, une proposition de loi qui a abouti à la loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention.

Composée d’un article unique, cette loi insère dans le Code de procédure pénale (CPP) une nouvelle voie de recours qui permet à toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire, qu’elle le soit à titre provisoire ou après condamnation, qu’elle soit prévenue ou définitivement condamnée, de saisir le juge judiciaire de conditions de détention qui seraient contraires à la dignité.

La procédure est précisée à l’article 803-8 du CPP nouvellement créé, auquel les articles 144-1 et 707, III renvoient. Elle est identiquement définie, que le recours soit exercé devant le juge des libertés et de la détention (JLD) par le détenu provisoire ou devant le juge de l’application des peines (JAP) par le condamné incarcéré en exécution d’une peine privative de liberté.

C. La jurisprudence des juridictions françaises

Dans sa décision n° 2004-343 et 344 DC du 27 juillet 1994, le Conseil constitutionnel a élevé le principe de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine au niveau constitutionnel. Le juge administratif a ensuite fait application de ce principe dans les décisions n° 212813 du 29 décembre 2000 et n° 222741 du 26 novembre 2001.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 janvier 2021 par le Conseil d’État (décision n° 445873 du même jour) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par l’association Section française de l’observatoire international des prisons relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 707, 723-1 et 723-7 CPP, dans leur rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et des articles 720-1, 720-1-1 et 729 du même code. Dans sa décision n° 2021-898 QPC du 16 avril 2021, le Conseil a déclaré contraire à la Constitution le paragraphe III de l’article 707 CPP, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019.

Dans un arrêt de section n° 412010 du 3 décembre 2018, M. B., le Conseil d’État a jugé qu’en raison de la situation d’entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l’administration pénitentiaire, l’appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur personnalité et, le cas échéant, de leur handicap, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et eu égard aux contraintes qu’implique le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires. Les conditions de détention s’apprécient au regard de l’espace de vie individuel réservé aux personnes détenues, de la promiscuité engendrée, le cas échéant, par la suroccupation des cellules, du respect de l’intimité à laquelle peut prétendre tout détenu, dans les limites inhérentes à la détention, de la configuration des locaux, de l’accès à la lumière, de l’hygiène et de la qualité des installations sanitaires et de chauffage. Seules des conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l’aune de ces critères et des articles D. 349 à D. 351 du CPP, révèlent l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique. Une telle atteinte, si elle est caractérisée, est de nature à engendrer, par elle-même, un préjudice moral pour la personne qui en est la victime qu’il incombe à l’État de réparer. À conditions de détention constantes, le seul écoulement du temps aggrave l’intensité du préjudice subi. Le préjudice moral subi par un détenu à raison de conditions de détention attentatoires à la dignité humaine revêt un caractère continu et évolutif. Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que ce préjudice soit mesuré dès qu’il a été subi. Il s’ensuit, enfin, que la créance indemnitaire qui résulte de ce préjudice doit être rattachée, dans la mesure où il s’y rapporte, à chacune des années au cours desquelles il a été subi.

Pour l’application de l’article L. 521-2 (référé-liberté) du CJA, le droit au respect de la vie, le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ainsi que le droit de recevoir les traitements et les soins appropriés à son état de santé constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de cet article.

Dans l’arrêt n° 20-81739 du 8 juillet 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé qu’il appartient au juge national, chargé d’appliquer la Convention EDH, de tenir compte, sans attendre une éventuelle modification des textes législatifs ou réglementaires, de la décision de la CEDH condamnant la France pour le défaut de recours préventif permettant de mettre fin à des conditions de détention indignes. Et comme cela a été rappelé précédemment, le Conseil constitutionnel, en réponse à une QPC transmise par la Cour de cassation, a décidé que la loi qui ne garantissait pas la possibilité de saisir le juge judiciaire de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine était contraire à la Constitution dans sa décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020. Après quoi, le législateur a institué un recours spécifique et autonome devant le JLD, qui est ouvert au justiciable depuis le 1er octobre 2021, par la loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention dont le décret d’application est le décret n° 2021-1194 du 15 septembre 2021 relatif au recours prévu à l’article 803-8 du Code de procédure pénale et visant à garantir le droit au respect de la dignité en détention.

II. Les apports de l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues

Selon le compte rendu du Conseil des ministres du 19 octobre 2022, cette ordonnance, prise sur le fondement de l’article 22 de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance, constitue le second volet de la réforme du travail pénitentiaire qui poursuit deux objectifs, à savoir, lutter plus efficacement contre la récidive et permettre une meilleure réinsertion, d’une part, en renforçant le cadre légal de travail des personnes détenues par l’ouverture de droits sociaux et, d’autre part, en les préparant au milieu professionnel ainsi qu’en accompagnant les entreprises proposant une offre de travail en détention.

A. Louverture de nouveaux droits sociaux au bénéfice des personnes détenues qui exercent un travail en détention

Ces nouveaux droits sociaux sont accordés aux personnes détenues qui exercent un travail en détention dès lors qu’ils sont utiles à leur réinsertion en couvrant un certain nombre de risques et en ouvrant ou en renforçant des droits assuranciels.

L’ouverture, au titre des cotisations versées par les personnes détenues et leurs employeurs, d’un ensemble de droits (assurances vieillesse, chômage, maternité), permet à ces personnes, dont la précarité est souvent un facteur de récidive, de bénéficier de ressources financières minimales (art. 1 à 8 de l’ord.). Il crée aussi des droits à la formation, comme pour l’ensemble de la population, via le compte personnel de formation, au profit d’un public présentant globalement de faibles niveaux de qualification (art. 10 à 12 de l’ord.). L’objectif là encore est de favoriser la réinsertion et de lutter contre la récidive.

Les personnes détenues bénéficient également dorénavant de la couverture standard prévue par le droit commun concernant les risques liés aux activités de travail (accidents du travail, maladies professionnelles, rentes d’invalidité) (art. 13 de l’ord.).

B. Des moyens renforcés au bénéfice du respect des droits sociaux des personnes détenues qui exercent un travail en détention

D’une part, les prérogatives et moyens de l’inspection du travail en établissement pénitentiaire sont renforcés (art. 14 de l’ord.) ainsi que ceux de la médecine du travail (art. 18 de l’ord.).

D’autre part, l’ordonnance prévoit également que des marchés ou des lots d’un marché peuvent être réservés à des opérateurs économiques qui les exécutent dans le cadre des activités de production de biens et de services qu’ils réalisent en établissement pénitentiaire et qui font travailler à ce titre, dans les conditions prévues aux articles L. 412-10 à L. 412-18 du Code pénitentiaire, des personnes détenues dans une proportion minimale fixée par voie réglementaire, en application de l’article L. 2113-13-1 du Code de la commande, créé à cette occasion (art. 19 de l’ord.).

C. Un intérêt spécifique porté aux personnes détenues en situation de handicap

Dans le but d’élargir les modalités d’accès au travail en détention et afin de favoriser la prise en charge de tous les publics, y compris les personnes détenues en situation de handicap, l’ordonnance autorise l’implantation d’établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) dans les locaux de l’administration pénitentiaire (art. 16 à 17 de l’ord.).

D. Un renforcement de la lutte contre les discriminations et le harcèlement

Cette ordonnance instaure des mesures de lutte contre les discriminations et le harcèlement dès lors que l’article L. 412-24 du Code pénitentiaire prévoit qu’aucune personne détenue ne peut être écartée d’une procédure de classement au travail ou d’affectation sur un poste de travail, voir le contrat d’emploi pénitentiaire qu’elle a conclu suspendu ou résilié, ou faire l’objet, pour son activité de travail, d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, pour les motifs énumérés par l’article L. 1132-1 du Code du travail (art. 15 de l’ord.).

E. Un encouragement à généraliser la mixité des activités en détention

L’ordonnance prévoit à son article 9 la mixité des activités en détention, sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité en modifiant la rédaction de l’article L. 411-3 du Code pénitentiaire.

III. Corpus juridique de référence

– Constitution française du 4 octobre 1958

– Convention EDH, notamment art. 2, 3 et 8

– Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 déc. 1948, notamment son préambule

– Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 déc. 2000, notamment son art. 1er (elle est devenue contraignante juridiquement avec la ratification du traité de Lisbonne)

– CJCE, 14 oct. 2004, n° C-36/02, affaire Omega (la dignité humaine constitue un PGD pour la Cour)

– CJUE, 2 juill. 2020, n° C-18/19, W. M. (autorisation de placement en rétention dans les établissements pénitentiaires en cas de menace pour l’ordre public et la sécurité publique)

– CEDH, 22 nov. 1995, n° 20166/92, SW c. Royaume-Uni et C.R. c. Royaume-Uni (le respect de la dignité et de la liberté humaines est l’essence même des objectifs fondamentaux de la Convention)

– CEDH, gde ch., 26 oct. 2000, n° 30210/96, K. c. Pologne

– CEDH, 31 juill. 2001, n° 41340/98, Parti de la prospérité c. Turquie (les droits de l’homme constituent un système intégré visant à protéger la dignité de l’être humain)

– CEDH, 25 avr. 2013, n° 40119/09, C. c. France

– CEDH, 21 mai 2015, n° 50494/12, Y. c. France

– CEDH, 20 oct. 2016, n° 7334/13, M. c. Croatie (la CEDH confirme que 3 m² de surface au sol par détenu constitue la norme de référence pour apprécier les conditions de détention en cellule collective)

– CEDH, 29 avr. 2019, n° 12148/18, A. M c. France

– CEDH, 30 janv. 2020, n° 9671/15, J.M.B. et autres c. France, et 31 autres (condamnation de la France pour conditions de détention indignes)

– CEDH, 14 mai 2020, n° 5499/15, Cyril A. c. France (la CEDH estime que le maintien en isolement du requérant détenu en prison n’a pas violé l’art. 3 de la Convention et déclare donc la requête irrecevable. En effet, l’état de santé du requérant ne justifiait pas, en tout état de cause, le recours à une évaluation de son aptitude à être placé à l’isolement après sa sortie de l’unité psychiatrique d’hospitalisation (UPH). Son état de santé ne nécessitait pas non plus des aménagements de sa détention. Enfin, la CEDH estime que le requérant avait bénéficié des garanties procédurales minimales requises en la matière, visant à éviter tout risque de décision arbitraire)

– Cons. const., 27 juill. 1994, n° 94-343/344 DC, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal (la dignité humaine est érigée en principe à valeur constitutionnelle)

– Cons. const., 26 juin 2020, n° 2020-846/847/848 QPC, M. Oussman G. et autres (le Conseil constitutionnel juge conformes à la Constitution les dispositions réprimant la violation réitérée du confinement, auquel le pouvoir réglementaire ne peut aménager d’exceptions que strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu)

– Cons. const., 3 juill. 2020, n° 2020-851/852 QPC, M. Sofiane A. et autres (le Conseil constitutionnel déclare conformes à la Constitution des dispositions d’habilitation de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, mais juge qu’elles ne pouvaient dispenser le gouvernement de respecter les exigences de l’article 66 de la Constitution s’agissant notamment de l’intervention du juge judiciaire en cas de prolongation d’une détention provisoire)

– Cons. const., 16 avr. 2021, n° 2021-898 QPC, Section française de l’observatoire international des prisons (conditions d’incarcération des détenus – le Conseil déclare contraire à la Constitution le paragraphe III de l’article 707 du CPP, dans sa rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019)

– Cons. const., 2 oct. 2020, n° 2020-858/859 QPC, Conditions d’incarcération des détenus prévenus

– Code pénitentiaire

– Loi du 9 déc. 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État

– Loi n° 2007-1545 du 30 oct. 2007 modifiée instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté

– Loi n° 2009-1436 du 24 nov. 2009 pénitentiaire

– Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice

– Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19

– Loi n° 2021-403 du 8 avr. 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention

– Loi n° 2021-1729 du 22 déc. 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire

– Loi n° 2022-92 du 31 janv. 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne

– Ordonnance n° 2022-1336 du 19 oct. 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues

– Décret n° 2021-1194 du 15 sept. 2021 relatif au recours prévu à l’article 803-8 du Code de procédure pénale et visant à garantir le droit au respect de la dignité en détention

– Décret n° 2022-655 du 25 avril 2022 relatif au travail des personnes détenues et modifiant le Code pénitentiaire

– CE, ass., 27 oct. 1995, n° 136727, Commune de Morsang-sur-Orge (affaire dans laquelle la sauvegarde de la dignité de la personne humaine constitue un motif d’ordre public justifiant une mesure de police et non un motif susceptible d’entacher une telle mesure d’illégalité)

– CE, 29 déc. 2000, n° 212813, D. (application du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine)

– CE, 26 nov. 2001, n° 222741, Association Liberté Information Santé et autres (application du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine)

– CE, 3 déc. 2010, n° 334683, Mme S. (le juge administratif exerce un contrôle normal sur le point de savoir si un décret d’extradition a méconnu le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine)

– CE, sect., 3 déc. 2018, n° 412010, M. B. (le Conseil d’État apporte des précisions sur l’appréciation et l’indemnisation du préjudice moral résultant du caractère attentatoire à la dignité des détenus)

– CE, juge des référés, 8 avr. 2020, n° 439827, Section française de l’Observatoire international des prisons et autres

– CE, juge des référés, 7 mai 2020, n° 440151, Garde des Sceaux, ministre de la Justice c. l’Ordre des avocats du barreau de Martinique

– CE, CHR, 19 oct. 2020, n° 439372, Garde des Sceaux, ministre de la Justice c. Section française de l’Observatoire international des prisons (seul le législateur peut faire évoluer l’office du juge du référé-liberté pour en faire une voie de recours effective pour remédier à des conditions de détention contraires à la dignité humaine)

– CE, 30 nov. 2020, n° 431775, Section française de l’Observatoire international des prisons (les détenus qui travaillent n’ont pas droit à des congés payés)

– Cass. crim., 8 juill. 2020, n° 20-81739 (dans le prolongement de l’arrêt J.M.B. et autres c. France de la CEDH, la Cour de cassation procède à un infléchissement sérieux de sa jurisprudence antérieure et juge qu’une atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention peut constituer un obstacle légal au placement ou au maintien en détention provisoire)

– Cass. crim., 20 oct. 2021, n° 21-84498 (encourt la censure l’arrêt qui, pour écarter le moyen soulevé avant l’entrée en vigueur de l’article 803-8 du CPP et contenant une description circonstanciée des conditions de détention, n’apprécie pas le caractère précis, crédible et actuel de celle-ci, s’arrête au fait que le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté produit par le demandeur décrivait des conditions antérieures à son incarcération et exige qu’il démontre le caractère indigne de ses conditions personnelles de détention)

IV. Exemple de sujet avec son corrigé portant sur les droits fondamentaux et libertés fondamentales des personnes détenues

Sujet : Soutenez que les droits fondamentaux et libertés fondamentales des personnes détenues se sont améliorés.

Introduction

Accroche : L’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues qui a été prise en application de l’article 22 de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire vise à lutter contre la récidive par une meilleure préparation à l’insertion des personnes détenues.

Définitions

Droits fondamentaux et libertés fondamentales : l’article 34 de la Constitution française de 1958 prévoit que la loi fixe notamment les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques (la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias, les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens) (…) ; les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État ; et détermine les principes fondamentaux sans toutefois mentionner la notion de « droits fondamentaux » et, par voie de conséquence, sans dresser une liste exhaustive de ces droits. L’article 13 de la Constitution évoque la garantie des droits et libertés en abordant ce que détermine une loi organique.

Il y a lieu de préciser que le sujet concerne seulement les personnes détenues dans des établissements relevant de l’administration pénitentiaire qui sont à distinguer des personnes retenues des centres de rétention administrative (CRA) qui relèvent du ministère de l’Intérieur et de l’outre-mer. La classification des générations de droits, qui ont évolué en réponse aux changements sociétaux, peut être utilisée pour structurer la démonstration de l’amélioration des droits fondamentaux et libertés fondamentales des personnes détenues.

Intérêt du sujet : Aborder l’amélioration des droits fondamentaux et libertés fondamentales des personnes détenues au travers des générations de droits en gardant en mémoire la question de dignité de la personne humaine.

Annonce du plan

I. L’accroissement des droits de première génération des personnes détenues

Annonce des deux sous-parties

A) L’amélioration des droits civils des personnes détenues

– Jusqu’au milieu du XXe siècle, le détenu n’avait aucun statut juridique.

– La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État reconnaît la liberté religieuse et garantit le libre exercice du culte et, pour permettre aux détenus de pratiquer leur religion, l’administration pénitentiaire prend en charge les dépenses relatives aux services d’aumôneries dans les prisons.

– Abolition de la peine de mort en France par la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981.

– Fin de l’automaticité de la perte des droits civiques de certains condamnés avec l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal en mars 1994.

– Possibilité de contester les sanctions disciplinaires devant le juge administratif depuis le revirement de jurisprudence en 1995 du Conseil d’État avec un arrêt d’assemblée n° 97754 du 17 février 1995 (les sanctions disciplinaires des personnes détenues ne sont plus regardées comme une mesure d’ordre intérieur).

– Instauration de peines alternatives à l’emprisonnement ou à la privation de la liberté d’aller et de venir avec la création du travail d’intérêt général (TIG) ; la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a créé une nouvelle peine autonome remplaçant la prison, à savoir la peine de détention à domicile sous surveillance électronique d’une durée de 15 jours à 6 mois.

– Instauration d’un recours effectif par la loi 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention qui crée un dispositif afin de garantir à tous les détenus un recours devant le juge judiciaire en cas de conditions indignes de détention devant le JLD en cas de détention provisoire et devant le JAP en cas de condamnation.

B) L’amélioration des droits politiques des personnes détenues

– Avant l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal en mars 1994, certains condamnés étaient automatiquement et à perpétuité privés de leurs droits civiques et donc de leur droit de vote. Depuis 1994, cette automaticité n’a plus lieu et la perte des droits est une peine complémentaire qui doit être décidée par la juridiction de jugement. De plus, elle est désormais limitée à cinq ans maximum pour les délits et à dix ans maximum pour les crimes. Depuis 2009, en vertu de l’article 30 de la loi pénitentiaire, les détenus, qui n’ont pas de domicile personnel, peuvent se domicilier au sein de l’établissement pénitentiaire pour l’exercice de leur droit de vote.

– Si les personnes détenues peuvent voter par correspondance, par procuration ou en se rendant au bureau de vote, ce droit de vote n’était quasiment pas exercé par les détenus (à titre d’illustration, leur taux de participation au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 a été seulement de 2 %).

– Le vote par correspondance ouvert aux personnes détenues :

  • La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice comprend un chapitre IV portant sur le droit de vote des détenus dont l’article 87 prévoit notamment que, pour l’application des chapitres Ier, VI et IX de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, les personnes placées en détention provisoire et les détenus purgeant une peine n’entraînant pas une incapacité électorale qui sont incarcérés dans un établissement pénitentiaire situé sur le territoire de la République peuvent, à leur demande et s’ils sont inscrits sur une liste électorale, voter par correspondance sous pli fermé à l’élection des représentants au Parlement européen de mai 2019, dans des conditions permettant de respecter le caractère secret et personnel du vote, la sincérité du scrutin ainsi que la sécurité et la sûreté des personnes concernées.
  • La loi organique n° 2021-335 du 29 mars 2021 portant diverses mesures relatives à l’élection du président de la République fixe les modalités selon lesquelles les personnes détenues, placées en détention provisoire ou exécutant une peine n’entraînant pas une incapacité électorale, peuvent voter par correspondance, sous pli fermé, à l’élection du président de la République.

Transition : La situation des personnes détenues s’est améliorée non seulement au titre des droits de première génération mais aussi en ce qui concerne les droits de deuxième génération.

II. L’accroissement des droits de deuxième génération des personnes détenues

Annonce des deux sous-parties

A) L’amélioration des droits sociaux des personnes détenues

– En ce qui concerne les droits familiaux : le droit de se marier sans autorisation depuis 1974 et le droit de conclure un pacte civil de solidarité (PACS) dans un établissement pénitentiaire depuis la loi pénitentiaire de 2009 ; un droit de visite accordé aux familles des détenus (les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille au moins trois fois par semaine et les condamnés au moins une fois par semaine) ; la loi pénitentiaire de 2009 prévoit également le rapprochement familial pour les prévenus.

– En ce qui concerne le droit à la santé : la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a profondément rénové le dispositif de soins dans les établissements pénitentiaires en recherchant à offrir aux détenus une qualité et une continuité de soins équivalentes à celles dont dispose l’ensemble de la population.

– En ce qui concerne le droit à l’éducation : l’article D450 du Code de procédure pénale prévoit, dès le 2 mars 1959, que l’éducation doit être considérée comme un droit en prison, droit que peut faire valoir toute personne incarcérée en prévoyant que : « Les détenus doivent acquérir ou développer les connaissances qui leur seront nécessaires après leur libération en vue d’une meilleure adaptation sociale. / Toutes facilités compatibles avec les exigences de la discipline et de la sécurité doivent être données à cet effet aux détenus aptes à profiter d’un enseignement scolaire et professionnel et, en particulier, aux plus jeunes ».

B) L’amélioration des droits économiques et culturels des personnes détenues

– La CEDH a confirmé dans un arrêt du 20 octobre 2016 que 3 m² de surface au sol par détenu constitue la norme de référence pour apprécier les conditions de détention en cellule collective (CEDH, 20 oct. 2016, M. c. Croatie, n° 7334/13).

– Entrées en vigueur le 1er mai 2022, les dispositions des articles 19 à 21 de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire et le décret n° 2022-655 du 25 avril 2022 relatif au travail des personnes détenues et modifiant le Code pénitentiaire ont concerné la création d’une relation contractuelle entre les personnes détenues et les entreprises, les structures d’insertion et l’administration.

– L’ordonnance du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues renforce la protection sociale des détenus qui travaillent ou qui suivent une formation professionnelle en prison. L’ordonnance prévoit également la généralisation de la mixité dans le cadre du travail en prison et la possibilité de création de nouveaux établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) dans les établissements pénitentiaires.

Conclusion

Synthèse : Les droits fondamentaux et libertés fondamentales des personnes détenues se sont progressivement améliorés et ces dernières peuvent se prévaloir d’un certain nombre de droits fondamentaux prévus par les textes internationaux et le droit positif français.

Ouverture possible :

– Aborder les droits de troisième génération aux personnes détenues qui incluent les droits à un développement durable, à l’autodétermination et à un environnement sain ;

– Si les droits des détenus ne cessent de progresser, toutefois, reconnaissance ne veut pas dire effectivité. La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a remis, le 24 mars 2022, un avis sur l’effectivité des droits fondamentaux en prison. Selon la Commission, il est « urgent » d’agir pour le respect des droits des détenus dans les prisons françaises.

V. Exemples de questions sur le thème de la dignité des personnes détenues

– Quels sont les principaux apports de l’ordonnance du 19 octobre 2022 en matière de droits sociaux des personnes détenues ?

– Les établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) peuvent-ils s’implanter dans les locaux de l’administration pénitentiaire ?

– Qu’est-ce que l’ordonnance du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues a prévu pour rendre le travail en détention attractif ?

– Pouvez-vous nous indiquer les principaux points abordés par l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) portant sur l’effectivité des droits fondamentaux en prison, remis le 24 mars 2022 ?

– Quels ont été les apports de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire en matière de travail pénitentiaire ?

– Quels sont dorénavant les recours juridictionnels ouverts aux personnes détenues en cas de conditions indignes de détention ?

– Pouvez-vous nous rappeler quelques recommandations du rapport de 2021 du Défenseur des droits portant sur « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD » ?

– Quelle est la surface au sol par détenu qui constitue la norme de référence pour apprécier les conditions de détention en cellule collective ?

– Quelle est l’influence du principe de dignité humaine sur l’évolution du droit public de la vie en détention ?

– Qu’est-ce que représente pour vous le respect de la dignité humaine ?

– Des fouilles de détenus par le personnel de l’administration pénitentiaire peuvent-elles être attentatoires à la dignité humaine ?

– Quelle est la valeur juridique du principe de sauvegarde de la dignité humaine ?

– Auprès de quel juge et comment un détenu peut-il demander l’indemnisation du préjudice moral qu’il estime avoir subi du fait du caractère attentatoire à sa dignité de ses conditions de détention ?

– La France a-t-elle été condamnée par des juridictions pour non-respect du principe de la dignité humaine ? Si tel est le cas, donnez des exemples.

– Un arrêté municipal peut-il interdire un spectacle au motif qu’il comporte des propos portant atteinte à la dignité humaine ?

– Quel est le rôle du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ?

– À quoi sert la Cour européenne des droits de l’homme ?

– La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est-elle contraignante juridiquement ?

– Pourquoi le Conseil d’État juge-t-il des affaires en « assemblée du contentieux » ?

– Quelles sont les différentes formations de jugement de la Cour de cassation et du Conseil d’État ?