Un an d’actualité des libertés et droits fondamentaux – Septembre et octobre 2025 : Grèves et continuité du service public

Actualité :

Plusieurs préavis de grèves ont été déposés et des grèves ont eu lieu au cours des mois de septembre et octobre 2025. Le syndicat Force Ouvrière a appelé les travailleurs des secteurs public et privé de toute la France à se mettre en grève à partir du 1er septembre 2025 et jusqu’au 30 novembre 2025. Le 18 septembre 2025, la France a vécu une nouvelle journée de grèves et de manifestations, dans la continuité du mouvement entamé le 10 septembre, à l’appel de la CGT, FO, l’UNSA, la FSU et Solidaires, pour faire reculer les réformes sur les retraites, le pouvoir d’achat et les services publics, dans le sillage de « Bloquons tout ». Le 2 octobre 2025, des grèves et manifestations ont lieu en France, à l’appel de l’intersyndicale, regroupant CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires, contre l’austérité budgétaire et pour la justice sociale, fiscale et environnementale.

À retenir – Pour rappel :

La grève, en tant que liberté collective, est une cessation collective et concertée du travail destinée à appuyer des revendications professionnelles. Le Code du travail fixe l’exercice général du droit de grève à l’article L. 2511-1 et les dispositions particulières dans les services publics aux articles L. 2512-1 à L. 2512-5 du même code.

Les agents publics exercent le droit de grève dans le cadre des lois qui le réglementent, en application de l’article L. 114-1 du CGFP, et sont régis par les articles L. 114-1 à L. 114-10 du même code.

Par une décision du 10 juillet 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation aborde la conciliation du droit de grève avec d’autres libertés fondamentales et, en particulier, la liberté d’aller et venir, la liberté du travail ainsi que la liberté d’entreprendre. À cette occasion, rappelant que le droit de grève constitue une liberté fondamentale, elle juge, d’une part, que les pouvoirs du juge des référés en matière de dommage imminent consécutif à l’exercice du droit de grève ne comportent pas celui d’interdire, sans limitation dans le temps, à un représentant syndical et à un syndicat d’entraver, même partiellement, par quelque moyen que ce soit, l’ensemble des accès des locaux de l’entreprise et qu’en prescrivant une telle mesure générale à l’encontre du représentant syndical et du syndicat concernant l’accès au magasin de la société en cause en vue de prévenir un dommage imminent consécutif à l’exercice du droit de grève, la cour d’appel a violé l’alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 835 du Code de procédure civile et, d’autre part, que le juge des référés ne peut prendre des mesures conservatoires en restreignant l’exercice que si elles sont strictement proportionnées aux nécessités de protéger la liberté du travail, la liberté d’aller et venir et la liberté d’entreprendre et qu’en interdisant, sans limitation de durée, au représentant syndical et au syndicat d’entraver, par quelque moyen que ce soit, même partiellement, l’ensemble des accès au magasin de la société en cause, sans vérifier, comme elle y était invitée, que cette mesure générale était strictement proportionnée aux nécessités de protéger la liberté du travail, la liberté d’aller et venir et la liberté d’entreprendre, elle a estimé que la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, de l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article L. 1121-1 du Code du travail, et de l’article 835 du Code de procédure civile (Cass. soc., 10 juill. 2024, n° 22-24.499 F-D).

Par une décision n° 488540 du 25 avril 2024, Société Aer Lingus et autres, le Conseil d’État a jugé que si le principe de continuité du service public a le caractère d’un principe à valeur constitutionnelle, il en va de même pour le droit de grève et il appartient au législateur et, dans le respect des dispositions édictées par ce dernier, au pouvoir réglementaire et à l’autorité administrative chargée d’un service public d’opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général, auquel la grève peut être de nature à porter atteinte, en apportant des limitations au droit de grève en vue d’assurer la continuité du service public, dans la mesure de ce qu’imposent les nécessités de l’ordre public et les besoins essentiels du pays. Les sociétés Aer Lingus, British Airways PLC, Easyjet, Iberia Lineas Aereas de Espana, Compania Operadora de Corto y Medio Radio Iberia Express, Ryanair et Vueling Airlines avaient demandé, d’une part, d’accroître le seuil minimum de capacité de survol des espaces aériens gérés par les autorités françaises assuré en cas de cessation concertée du travail dans les services de navigation aérienne, tel que prévu par le 3 de l’article 1er du décret n° 85-1332 du 17 décembre 1985, et, d’autre part, de prendre toutes les mesures législatives et règlementaires ainsi que d’organisation du service permettant de rendre effectif le droit de survol de ces espaces, en introduisant notamment une obligation de déclaration individuelle des agents participant à un mouvement de grève au moins 72 heures avant ce dernier. Les sociétés requérantes se bornent à faire essentiellement état des difficultés qu’engendre, pour elles, l’organisation en temps de grève des services de la navigation aérienne en matière de survol du territoire français et des conséquences qu’elle emporte sur leur activité commerciale et la satisfaction de leurs clients. Si elles se prévalent du principe de continuité du service public, ce dernier doit, ainsi qu’il a été dit, être concilié avec le droit de grève eu égard aux nécessités de l’ordre public et aux besoins essentiels du pays et il n’implique pas, par lui-même et de façon générale, qu’un service normal doive être assuré en cas de grève. Par suite, les sociétés requérantes, qui n’apportent pas d’éléments de nature à établir que la capacité minimale de 50 % du service en matière de survol du territoire français serait insusceptible d’assurer la conciliation nécessaire entre la défense du droit de grève et la sauvegarde de l’intérêt général, ne sont pas fondées à soutenir que les dispositions du 3 de l’article 1er du décret du 17 décembre 1985 seraient illégales comme méconnaissant le principe à valeur constitutionnelle de continuité du service public.

Pour approfondir :

Dans la 7e édition papier de l’ouvrage Un an d’actualité des libertés et droits fondamentaux de Michaël Poyet : Cf. la fiche intitulée « 9 et 20 décembre 2024 : Continuité du fonctionnement de l’État et de la vie nationale ».

Dans la 5e édition papier de l’ouvrage Droit administratif de Michaël Poyet édité chez LGDJ : Cf. la leçon n° 2 intitulée « Droit administratif général : service public »